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Au Festival de Locarno, « Piaffe », d'Ann Oren, réussit son galop en compétition - Le Monde

Simone Bucio (Eva), dans « Piaffe », d’Ann Oren.

De l’identification de l’homme à l’animal : sur ce thème, puissamment creusé dans l’histoire du cinéma – pour ne citer qu’un film, Au Hasard Balthazar (1968) de Robert Bresson –, la 75e édition du Festival international de Locarno, en Suisse, qui s’achève le 13 août, aura fourni quelques beaux spécimens. Piaffe, d’Ann Oren, l’un des dix-sept longs-métrages qui concourent pour le Léopard d’or, aura illuminé les derniers jours de la compétition, déployant sa matière surréaliste à partir d’un métier du cinéma : le bruitage. Immense et patient travail de l’ombre à nouveau au centre d’un scénario, après la sortie en salles, le 3 août, en France, du film espagnol En décalage, de Juanjo Giménez Peña.

Piaffe raconte l’histoire d’une jeune bruiteuse, Eva (Simone Bucio), chargée de réaliser le son d’une publicité pour un médicament stabilisant l’humeur, Equili, utilisant pour ce faire l’image d’une cavalière sur son cheval – moment d’humour grinçant sur les promesses des marchands. Pas suspendu de l’animal, trot sur place, le déplacement est minimal et nécessite un incroyable doigté. Eva doit remplacer au pied levé son frère, lui aussi bruiteur, atteint d’une subite fièvre… Elle se plonge à corps perdu dans la tâche, testant différents sons, frappant ses noix de coco sur le sol de son appartement, visitant une écurie… Au point qu’un jour, au saut du lit, la brune à la peau délicate se découvre au bas des reins un bout de queue, puis bientôt une crinière, qu’elle intègre élégamment sous son trench. Comme si c’était naturel.

Désormais, la jeune femme trotte à ses rendez-vous dans un jeu délicatement burlesque, attirant le regard d’un botaniste, spécialiste de la reproduction des fougères. La belle-de-jour a du cran, et du crin. Néo-bunuélien, ce « pas de deux » érotique et sexuel se nourrit d’influences plus contemporaines : le goût du bizarre du Portugais João Pedro Rodrigues, ou de la Française Lucile Hadzihalilovic, les performances sensorielles de Christian Rizzo, de Gisèle Vienne, etc. On s’accroche aux pas de la comédienne, à son souffle, à son jeu silencieux, on la suit pour comprendre jusqu’où son personnage veut aller. Epoustouflante, Bucio rend crédible cette métamorphose qui est aussi un labeur. Se fondre dans le travail, ici de bruiteuse, au point de changer de peau, ou de faire un pas de côté, n’est pas l’un des moindres questionnements du film.

Basculement du réel au merveilleux

La réalisatrice, née à Tel-Aviv, en 1979, fait partie de cette génération d’artistes désireux de renouveler les récits, travaillant la porosité entre les espèces, le basculement du réel au merveilleux. Avant Piaffe, Ann Oren avait réalisé un galop d’essai, si l’on peut dire, le court-métrage Passage (2020), une histoire similaire incarnée par Simon(e) Jaikiriuma Paetau, performeur travaillant la fluidité de genre – lequel incarne magnifiquement ici le frère malade d’Eva.

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