«J’ai sauvé le monde dix-huit fois. Rien ne peut me tuer. J’ai été attaqué par des terroristes, des astéroïdes, des critiques ciné, des critiques musique, des critiques de restaurant, des avocats, la calvitie… Rien de tout ça n’a pu m’arrêter car je suis toujours ce putain de Bruce Willis ! » Ainsi l’indestructible héros de « Piège de cristal » concluait-il un discours sur la chaîne américaine Comedy Central.
C’était en 2018, lors d’une cérémonie en son honneur. Et puis, le 30 mars 2022, sur Instagram, sa fille aînée, Rumer Glenn, annonce l’inconcevable : « Aux incroyables fans de Bruce, nous, la famille, voulions dire que notre bien-aimé Bruce a eu des problèmes de santé. Il a récemment reçu un diagnostic d’aphasie, ce qui a un impact sur ses capacités cognitives. À cause de cela et après y avoir longuement réfléchi, Bruce a décidé de s’éloigner du cinéma, qui a tant compté pour lui. »
Douche froide. Stupeur. Incrédulité. Un type pareil, assez invulnérable pour tenir le rôle-titre d’« Incassable » (où il incarne un homme que rien ne peut atteindre physiquement), ne peut pas prendre sa retraite ! Même à 67 ans ! Le débat a pourtant été plié un mois avant qu’il n’en ait 68, avec ce diagnostic précis : démence fronto-temporale.
Déjà que l’aphasie, trouble du langage provoqué par une lésion cérébrale, c’est grave, mais là, il s’agit d’une maladie neurodégénérative et comportementale, incurable. Sans espoir de retour. Ça va mal se terminer. Pas comme une tragédie, mais comme un beau mélo dont on sort à la fois ému et serein. Et ce, grâce aux proches de l’acteur, lequel n’a non seulement pas dit son dernier mot, mais a encore devant lui quelques lendemains qui chantent, si l’on se fie à cette vidéo postée par Demi Moore le dimanche 19 mars où ex-femme, épouse et filles lui chantent « Happy Birthday ». Même s’il n'affiche pas une forme olympique, Bruce Willis a l’air d’avoir toute sa tête, souffle les (deux) bougies et garde son sourire malicieux.
Une réelle amitié est née entre Demi Moore et celle qui lui a succédé
C’est ce genre de moment qui permet à cette triste histoire d’échapper à l’écueil tragique. La réalité ne dépasse pas la fiction dans le drame, mais dans l’harmonie. Depuis la douloureuse annonce faite au public, Emma Heming Willis et Demi Moore n’ont cessé de poster sur les réseaux sociaux des images passées ou récentes attestant d’une inébranlable unité familiale dans l’adversité. On savait que le couple légendaire Willis-Moore s’était séparé en 2000 sans heurts et avec bienveillance, mais on n’imaginait pas à quel point ils étaient restés proches. Une réelle amitié est même née entre l’ex et celle qui lui a succédé, une mannequin de seize ans sa cadette.
Depuis leur mariage, en 2009, Emma a donné deux filles au papa réputé exemplaire, Mabel Ray et Evelyn Penn. Tout ce petit monde fait front ensemble, chouchoutant le colosse à la psyché d’argile. Car tous le savent : désormais, Bruce Willis peut dire et faire n’importe quoi, n’importe quand. Sortir des grossièretés, tenir des propos déplacés, se montrer agressif, voire violent, avant de plonger dans une soudaine apathie, avoir un éclair de lucidité pour, l’instant d’après, oublier qui sont les membres de sa propre famille, comme sa mère qu’il ne reconnaît plus.
Les proches de Willis ont conscience de se lancer dans une longue bataille
« Dans ce genre de situation, la famille souffre autant que le patient, a assuré au “New York Times” le docteur Bruce Miller, professeur de neurologie à l’université de Californie, à San Francisco. Cette maladie abîme la partie du cerveau qui génère en nous ce qu’il y a de plus humain. » Pour gérer cela au quotidien, l’entourage doit s’armer de patience et d’abnégation. Les proches de Willis ont conscience de se lancer dans une longue bataille, qu’ils mèneront dignement, avec courage, à défaut d’en sortir vainqueur. L’acteur a d’ailleurs préparé le terrain pour les amours de sa vie. La preuve : sa filmographie des trois dernières années.
S’il est vrai que sa carrière battait de l’aile depuis quelque temps, il a malgré tout tenté de revenir sur le devant de la scène, ici avec un banal remake d’« Un justicier dans la ville » (« Death Wish », 2018), là avec un polar ambitieux d’Edward Norton (« Brooklyn Affairs », 2019). Avant de lâcher la rampe, se moquant de la qualité des scripts comme de son premier cachet, en 1984 (une utilité dans un épisode de « Deux flics à Miami »).
Dès 2019, des pertes de mémoire récurrentes
Ce n’est pas pour rien que Bruce Willis a enquillé ensuite des films sans odeur ni saveur. Il s’est vendu pour des sommes astronomiques comparées au budget des longs-métrages, en tournant quatre en 2020, huit en 2021 et onze en 2022 ! S’il avait voulu carboniser sa carrière, il ne s’y serait pas pris autrement. Une fuite en avant qui a moins à voir avec un chant du cygne qu’avec un plan de prévoyance.
Dès 2019, ses pertes de mémoire et ses difficultés à lire se font plus récurrentes. Il s’en inquiète, consulte des pontes, subodore un sinistre bilan. Il décide alors d’engranger un maximum d’argent afin de mettre les siens à l’abri et de faire face à des frais de santé qui, aux États-Unis, sont hors de prix. Willis rentabilise au maximum son image qu’il détériore sans la brader. Il réclame entre 1,5 et 2 millions de dollars pour deux à huit jours de tournage, dans des rôles secondaires puisqu’il ne tient plus sur la durée.
Il a fallu hausser le ton, dire des mots désagréables
L’acteur haïtien Jimmy Jean-Louis, son partenaire dans « Detective Knight : Independance »
La star est systématiquement équipée d’une oreillette, il a son souffleur personnel, payé par la production. Ce qui n’empêche pas la multiplication des ratés sur les plateaux : un coup de feu (à blanc heureusement) tiré par inadvertance, un temps de présence de huit heures par jour souvent réduit sans préavis à quatre, des absences soudaines dans le regard ou la parole au milieu d’une prise…
L’acteur haïtien Jimmy Jean-Louis, son partenaire dans « Detective Knight : Independance » (qui sera le dernier film dans lequel Bruce Willis aura tourné), a déclaré au quotidien « Le Parisien » avoir dû, lors d’une scène, « le secouer pour obtenir une réaction ». « Il a fallu hausser le ton, dire des mots désagréables », a-t-il ajouté. Ce moment embarrassant sonnait le glas de sa carrière.
Épatante alliée, Emma Heming Willis se mue en fine stratège. Dévouée corps et âme à son époux, elle le protège des paparazzis et des fans. Les photos volées sont le cadet de ses soucis. Sa véritable angoisse, elle l’exprime dans une vidéo sur Instagram : « Aux photographes et vidéastes qui essaient de décrocher une exclu sur mon mari : gardez juste vos distances. Je sais que c’est votre travail, mais essayez de garder vos distances. […] Ne criez pas sur mon mari pour lui demander comment il va […]. Permettez à notre famille ou à quiconque est avec lui ce jour-là de pouvoir l’emmener d’un point A à un point B en toute sécurité. »
5 à 7 ans d'espérance de vie après l'apparition des premiers symptômes
Elle a compris que le meilleur moyen pour court-circuiter les chasseurs de scoops reste d’offrir l’image de son bien-aimé à qui la veut. D’où la multiplication des posts sur les réseaux sociaux, publiés par elle, ses filles et Demi Moore. La terre entière suit ainsi le quotidien de la famille Willis, agrémenté de souvenirs émouvants, comme le renouvellement des vœux de Bruce et Emma, en 2019, ou des clichés de la petite enfance de Mabel Ray publiés récemment à l’occasion de ses 11 ans.
Ces images sont poignantes car on sait que le père ne verra pas sa fille adulte, pas plus qu’il n’aura l’occasion de chérir longtemps le bébé que porte sa fille aînée, Rumer. Les patients atteints de démence fronto-temporale vivent environ cinq à sept ans après l’apparition des premiers symptômes. Bruce Willis mérite qu’on emprunte à Boris Vian sa phrase sur Errol Flynn : « Il pourrait lui arriver n’importe quoi, il s’en tirera toujours. Vous lui feriez jouer “Mayerling”, le suicide louperait à coup sûr. » Faisons semblant d’y croire.
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Divertissement
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