- Des chercheurs nantais ont réalisé différentes mesures très précises pour évaluer l’efficacité des dispositifs déployés par les villes qui cherchent à lutter contre le réchauffement urbain.
- Espaces végétalisés, jeux d’eau, ombre… Il faut souvent combiner plusieurs solutions pour obtenir un réel effet de fraîcheur.
Ciel de rue en plastique coloré à Rennes, arbres en pot au Capitole à Toulouse, petites fontaines sur la nouvelle place du Commerce à Nantes… L’été vient tout juste de commencer que les villes rivalisent d’idées pour tenter de contrer la hausse des températures dans les rues. Mais que valent réellement ces dispositifs, parfois présentés comme des oasis de fraîcheur par les municipalités ? C’est à cette question que tente de répondre une équipe de chercheurs de l’école d’architecture (Ensa Nantes) et du CNRS.
Lancé en 2018, le projet Coolscape s’est notamment intéressé aux aménagements très localisés. Canopées urbaines, brumisateurs, voilages… Des dispositifs indispensables pour tenter de rapidement faire face au phénomène de « réchauffement urbain » qui s’accélère, estime Ignacio Requena-Ruiz, du laboratoire Ambiances Architectures Urbanités. « L’idéal, pour un effet notable, serait de le faire plus massivement, mais en attendant il faut expérimenter des choses, poursuit le maître de conférences. C’est un enjeu pour les villes : les gens doivent pouvoir continuer à se retrouver sur les places, dans les rues, et non uniquement dans des lieux climatisés ! »
Des résultats contrastés
L’équipe de recherche a identifié quatre grandes catégories : les espaces végétalisés visant à produire de l’ombre et de l’humidité ; les dispositifs utilisant de l’eau type brumisateur ou miroir d’eau, les mobiliers urbains tels qu’un auvent ou une grande voile, et enfin l’usage de matériaux qui absorbent moins la chaleur, voire qui ont un pouvoir rafraîchissant. Pour connaître leur efficacité, tout un tas de mesure très précises sont réalisées, grâce à un drôle de chariot équipé de divers capteurs. « Bien au-delà d’un simple relevé de température, l’objectif est d’analyser très précisément la sensation thermique des citadins, leur perception de la chaleur lorsqu’ils traversent l’endroit », explique Ignacio Requena-Ruiz. Chaleur du sol, vent, rayonnement du soleil… tout est analysé.
Et les premiers résultats sont contrastés : à Nantes, la cascade (artificielle) de la carrière Misery fait par exemple perdre 6 degrés de température ressentie. Entre 3 et 4 de moins sous la canopée végétale du quai des Plantes, cette promenade plantée installée depuis plusieurs étés quai de la Fosse, qui remplit en plus « une fonction sociale, avec des personnes notamment âgées qui s’approprient l’espace ». Sur l’esplanade de la Défense, à Paris, l’estrade rafraîchissante peine à faire ses preuves. Pire, le sol très clair censé moins emmagasiner moins de chaleur a été jugé trop réfléchissant, presque éblouissant.
De l’eau et de l’ombre
« En fait, il n’y a pas de solution miracle, admet le chercheur. Pour des résultats intéressants, il faut en combiner plusieurs entre elles. » Conscient que la ressource est plus que jamais limitée, le chercheur estime que l’usage de l’eau est le plus concluant pour une sensation de fraîcheur. Il est aussi conseillé de créer une ombre la plus dense possible, que ce soit grâce à du mobilier urbain ou à un arbre. « Il faudrait revenir au modèle de villes anciennes, avec des rues étroites dont les murs font de l’ombre et amènent à une petite place avec des arbres, des bancs, et une fontaine au milieu. »
Mais difficile d’évaluer la pertinence d’un dispositif dans l’absolu, isolé de son environnement. Ce serait d’ailleurs la clé pour les municipalités qui réfléchissent à s’équiper. « Si on peut accéder à la terre, mettre des arbres en pots n’est pas une bonne solution, estime par exemple Ignacio Requena-Ruiz. C’est pareil pour un mobilier qui serait installé à côté d’un jardin bien vert ou pas loin d’un fleuve : il n’y a là aucune raison pour les gens de s’y poser, et ces derniers risquent même d’être réfractaires, et de le considérer comme un gadget. »
Surtout quand, comme parfois, l’installation semble ensuite à l’abandon. A Nantes par exemple, les végétaux grimpants censés recouvrir la canopée urbaine, grande structure métallique installée en 2021 sur une petite place bétonnée, n’ont jamais réellement poussé. Critiquée par le public, l’installation présentée comme une expérimentation ne semble que très rarement utilisée.
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