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Marco Bellocchio, cinéaste : « Tant qu'il y aura des martyrs, la paix sera impossible » - Le Monde

Le réalisateur italien Marco Bellocchio, à Cannes, le 23 mai 2023.

Sitôt devant nous, dans un hôtel parisien, quelques jours après les massacres perpétrés par le Hamas en Israël, le 7 octobre, Marco Bellocchio s’enquiert de la situation au Proche-Orient. « Avez-vous des nouvelles des otages ? », demande le cinéaste de 83 ans, remué par l’écho entre l’actualité et deux de ses films, qui sortent le 1er novembre : Marx peut attendre, un documentaire revenant sur le suicide de son frère, Camillo, et L’Enlèvement, une fiction autour du rapt en 1858, par le Vatican, d’un enfant juif, Edgardo Mortara.

Que vous inspire la rémanence de l’antisémitisme religieux, hier catholique comme le décrit « L’Enlèvement », aujourd’hui islamique ?

Les martyrs de l’islam me font penser à ceux de la chrétienté, sur lesquels s’est fondé le catholicisme. Chaque église a son martyr. Celui de ma paroisse, à Plaisance [Emilie-Romagne], était saint Augustin. Celui qui doutait de sa foi s’en remettait à eux. J’en avais peur, car je ne voulais pas mourir ; je voulais vivre. Ces martyrs, nous disait-on, prêchaient l’amour. Ceux de l’islam sont des combattants. Ils luttent, en l’occurrence, pour la libération de la Palestine. Au nom de cet idéal, ils tuent et se font tuer. Tant qu’il y aura des martyrs, hommes et femmes, prêts à mourir, la paix sera impossible. Seul un retrait, altruiste et sans contrepartie, d’un des deux belligérants pourrait la faire advenir. Que je sache, un tel acte d’amour, dans l’histoire, n’a jamais été observé.

Comment sortir de la spirale suicidaire qui ravage le Proche-Orient ?

Je crains que les appels à l’amour du pape François ne suffisent pas. Seul un pas en arrière, unilatéral, d’un des deux camps pourrait changer la donne. Et seul celui qui est militairement le plus fort, en dépit des morts et des massacres, en est capable. Anéantir, cela signifie aussi repartir à zéro. La haine est insurmontable ? Alors il faudra, hélas, attendre des siècles.

Cela rejoint la question du suicide, qui traverse toute votre filmographie.

Dans L’Enlèvement, le pape se suicide en tant que souverain. Il préfère renoncer à son règne millénaire plutôt que restituer l’enfant. Son pouvoir temporel touche à sa fin, capturer et rééduquer Mortara est une manière de ralentir cette chute. Quand les dictatures sont menacées, elles contre-attaquent ainsi, de manière nihiliste et désespérée. Dans Marx peut attendre, mon frère Camillo se suicide car il n’a pas la force de surmonter son désespoir. Il se sent abandonné. Personne, autour de lui, ne l’a compris et aimé pour ce qu’il est.

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