Pour les deux prochaines semaines, le joker de Pascal Praud sur CNews anime une émission qui reste très complaisante avec le RN. Malgré la mise en demeure du régulateur des médias, qui a pointé une ligne “largement univoque”.
Publié le 02 juillet 2024 à 12h44
À l’heure du goûter sur Europe 1, on a l’impression d’assister aux chaises musicales. Après deux semaines d’On marche sur la tête par Cyril Hanouna, c’est le journaliste Eliot Deval, 31 ans, qui anime la tranche 16 heures-18 heures pour les deux prochaines semaines. Joker de Pascal Praud dans L’heure des pros, sur CNews, il anime également une émission avec Philippe de Villiers et Geoffroy Lejeune le week-end. Son nom est tellement connu des fidèles des chaînes Bolloré que son nouveau rendez-vous s’appelle tout simplement Eliot Deval sur Europe 1. Le sous-titre aurait pu être : « … accompagné des chroniqueurs habituels de CNews », ou encore « … n’en a que faire de l’Arcom ».
Car jeudi 27 juin, le régulateur des médias a mis en demeure Europe 1 pour manque de « mesure » et d’« honnêteté » concernant l’émission de Cyril Hanouna, considérant le traitement de l’actualité électorale comme « largement univoque » – avec une grande majorité d’invités d’extrême droite – et celui du Nouveau Front Populaire comme « critique et virulent, en des termes souvent péjoratifs et outranciers ». Un constat que fait également Le Monde dans une enquête vidéo analysant l’intégralité d’On marche sur la tête. Parmi les observations chiffrées : des interviews bien plus musclées pour un candidat PS-NFP que pour une candidate RN ou la présence d’un seul chroniqueur de gauche en studio, Gilles Verdez, « cible systématique » de ses collègues.
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Aux côtés d’Eliot Deval cette fois, aucun chroniqueur ne sera réprimandé. Et pour cause : personne ne se revendique de gauche ou proche des idées du Nouveau Front populaire. En studio, le journaliste politique de CNews Gauthier Le Bret, la directrice de la rédaction du site Boulevard Voltaire Gabrielle Cluzel, le journaliste Éric Revel (il quittera Europe 1 à 17 heures pour rejoindre Laurence Ferrari sur CNews, « juste au-dessus »), les journalistes politiques de la station (Alexandre Chauveau) et du JDD (Jules Torres), le politologue Arnaud Benedetti, sans oublier l’essayiste conservateur Mathieu Bock-Côté. Une bande qui se connaît bien et dont la complicité est évidente.
Pendant deux heures, Eliot Deval orchestre son émission de débat, entre analyses, libre antenne et interviews politiques, avec une obsession : celle de la « macronie », qui, selon lui, trahit ses convictions au profit de « l’extrême gauche » (alors que le Conseil d’État a invalidé cette appellation concernant LFI et le Parti communiste français) pour faire barrage au RN… dont la classification à l’extrême droite fait tiquer en studio et au standard. « J’aimerais une fois pour toutes qu’on m’explique pourquoi le RN est considéré aujourd’hui comme d’extrême droite », s’agace Philippe, Nantais de 56 ans. « Ah ! Bien sûr ! » entend-on parmi les chroniqueurs. Pour lui répondre, la députée sortante Renaissance Nadia Hai est la première invitée du programme. Sur la ligne « ni RN, ni LFI », elle délivre un discours brouillon, qui provoque des soupirs d’impatience chez son intervieweur.
Deuxième appel. Matthias, 52 ans, félicite Laure Lavalette, députée RN réélue dès le premier tour dans le Var. Seconde invitée de l’émission, elle est en terrain conquis. « J’ai bien fait de venir ! » rit-elle. Troisième et dernier appel : Fanny, 48 ans. Infirmière dans les Bouches-du-Rhône, qui vote Rassemblement national depuis vingt-deux ans. Quid de la gauche, de la mesure et de l’honnêteté dans le traitement de l’actualité électorale réclamées par l’Arcom il y a moins d’une semaine ? Eliot Deval lit un tweet de Jean-Luc Mélenchon, fait écouter un court extrait d’une interview de Mathilde Panot (que les chroniqueurs s’empresseront de fustiger dans la foulée)… et c’est tout. Cette première émission donne la fâcheuse impression qu’Europe1 ignore la récente mise en demeure du régulateur des médias et compte bien continuer à assommer ses auditeurs d’idées de droite et d’extrême droite avant le second tour des législatives anticipées… D’ici à ce que la station soit sanctionnée, la campagne sera terminée. Quant au groupe Bolloré, il n’est pas à quelques amendes près.
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