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Le prix Goncourt 2023 a mis en lumière le « sensitivity reader » qui divise le monde littéraire - Le HuffPost

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Le prix Goncourt 2023 va être annoncé ce mardi 7 novembre. (Photo d’illustration)

LITTÉRATURE - Qui d’Éric Reinhardt, Jean-Baptiste Andrea, Gaspard Koenig et Neige Sinno (qui vient de recevoir le prix Fémina) se verra remettre le prix Goncourt, ce mardi 7 novembre ? S’il y a fort à parier pour qu’il revienne au premier ou à l’autrice de Triste tigre, dont les romans en compétition figurent parmi les plus plébiscités de la rentrée littéraire, il n’ira de toute évidence pas à Kevin Lambert.

L’auteur québécois de 31 ans a d’abord été retenu dans la liste des 16 titres en lice pour Que notre joie demeure aux éditions du Nouvel Attila, avant d’en être finalement retiré au tour suivant. Le tout, sur fond d’une « polémique ».

Sujet de la discorde ? Le recours de sa maison d’édition à une « sensitivity reader », comme l’a déploré Nicolas Mathieu, auteur du best-seller Leurs enfants après eux et lauréat 2018 du Goncourt. « Faire de professionnels des sensibilités, d’experts des stéréotypes, de spécialistes de ce qui s’accepte et s’ose à un moment donné, la boussole de notre travail, voilà qui nous laisse pour le moins circonspect », a écrit sur son compte Instagram l’écrivain au début du mois de septembre.

Les « sensitivity readers », c’est quoi ?

Banal aux États-Unis, où son recours a commencé dans la littérature pour ados avant de s’étendre à tous les autres domaines, l’emploi d’un « sensitivity reader » l’est nettement moins chez nous, en France. Le terme, qu’on peut traduire par « démineur littéraire », désigne une personne engagée pour détecter dans un manuscrit des propos potentiellement racistes, sexistes, homophobes ou plus généralement offensants.

« L’idée serait de chercher des contenus qui pourraient poser problème, qui pourraient donner lieu à des polémiques et à une mauvaise publicité », estime l’universitaire spécialiste des industries culturelles Christophe Rioux au micro de France Culture.

Kevin Lambert dit, lui, avoir fait appel à Chloé Savoie-Bernard, femme de lettres canadienne née dans une famille haïtienne, pour rendre plus crédible l’un des personnages du livre originaire d’Haïti. « Je peux toujours me tromper », a-t-il déclaré dans un communiqué partagé par son éditeur sur les réseaux sociaux, précisant que sa relectrice « s’est assurée [qu’il] ne dise pas trop de bêtises, [qu’il] ne tombe pas dans certains pièges de la représentation des personnes noires ».

Un appui, plutôt qu’une censure

Comme Nicolas Mathieu, une partie du milieu littéraire s’interroge, voire s’oppose formellement à la démocratisation des « sensitivity readers » qu’elle voit comme des censeurs. « On n’a pas besoin en France de cette police de la pensée importée des États-Unis », tempête Pierre Assouline, romancier et membre de l’académie du Goncourt, auprès de l’AFP.

« L’un des risques souvent avancé, c’est qu’un personnage négatif qui serait amené à tenir des propos blessants, pourrait être cloué au pilori, analyse à son tour Christophe Rioux, là encore chez France Culture. Dès lors, une partie de la littérature mondiale, par le prisme de ces relectures sensibles, pourrait finir dans les oubliettes de l’histoire littéraire. »

Dans une série de témoignages recueillis par Les Inrocks en 2020, quelques « sensitivity readers » ont rappelé les bonnes intentions de la pratique. « Si des personnes estiment qu’une œuvre va perdre en qualité parce qu’il n’y a pas de propos discriminants dedans, on se demande quelle littérature ils défendent », souffle l’autrice jeunesse Laura Nsafou, qui a déjà effectué de telles relectures.

Le Goncourt divisé sur les « sensitivity readers »

Même son de cloche du côté de la youtubeuse Cordélia pour qui « le monde de l’édition est très uniforme, très privilégié, très blanc, très hétéro et très cisgenre », ajoutant que l’avis de ses contributeurs « est supposé objectif, alors que celui des minorités serait biaisé par leur expérience personnelle ».

Si le démineur littéraire peut aider l’auteur d’un livre à écrire sur des discriminations ou des oppressions qu’il ne vit pas, la pratique n’a rien de nouveau sinon son appellation, selon Philippe Claudel, secrétaire du jury du Goncourt interrogé dans les colonnes du Monde. « Les éditeurs ont toujours relu les textes avec attention, notamment à ce qui pouvait susciter la polémique », rappelle-t-il.

À l’AFP, il va plus loin : « Nicolas Mathieu devrait se contenter d’écrire des romans. […] Laissons cette polémique. Les chiens aboient, la caravane Goncourt passe. » Des mots qui témoignent d’une divergence au sein même de la prestigieuse institution, signe que le monde littéraire français n’a pas fini de s’écharper sur le sujet.

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