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« La Mère de tous les mensonges » : Asmae El Moudir filme une plongée dans une histoire familiale lestée de secrets - Le Monde

Asmae El Moudir (à gauche, en arrière-plan) et le décor de son film « La Mère de tous les mensonges ».

Asmae El Moudir avait 12 ans quand elle prit conscience qu’il n’existait aucune photo d’elle enfant. Pas plus d’ailleurs de sa famille. Elle interrogea alors sa mère qui, au terme de disputes avec sa fille, leva une partie du mystère. La faute revenait à la grand-mère paternelle, figure autoritaire faisant régner la terreur au sein du clan, qui avait toujours refusé la présence de photographies dans la maison. L’aïeule prétextait la religion, ne souhaitait pas en dire plus, personne n’osa la contester.

Des années plus tard, Asmae El Moudir, devenue réalisatrice, et désormais mieux informée sur l’histoire de son pays (que ses proches autant que l’école avaient toujours tue), entreprit pour son premier long-métrage de ranimer la mémoire de chacun, de libérer la parole pour recréer les souvenirs familiaux.

Puisque les traces du passé avaient disparu, elle décida de les fabriquer au sens propre du terme, chargeant son père, maçon carreleur de métier, de construire une réplique miniature du quartier et de la maison de son enfance marocaine, à Casablanca. Mais aussi de sculpter les figurines destinées à représenter les membres de la famille.

Une entreprise familiale

C’est dans cet atelier où elle a réuni sa grand-mère, sa mère, son père et ses deux oncles que la réalisatrice nous installe. Et nous rend témoin de la fabrication du décor, de l’avancée du scénario qui s’écrit à mesure des confidences auxquelles chacun consent, à son rythme. La Mère de tous les mensonges relève, à plusieurs niveaux, d’une entreprise familiale que le film met brillamment en scène. Le dispositif choisi par Asmae El Moudir, le même qu’utilisa, pour des raisons similaires, le cinéaste cambodgien Rithy Panh dans son film L’Image manquante (2013), crée un terrain propice aux réminiscences.

Investi dans le projet, chacun réagit, parfois conteste, garde le silence ou lâche prise. Pendant qu’elle confectionne le vêtement des figurines, la mère, Ouardia, glisse dans un murmure à sa fille qu’elle n’aime plus vraiment son mari, ou du moins juste un peu. La grand-mère, Zahra, mauvaise comme une teigne – et, de ce fait, fort drôle et sympathique –, glisse son œil sévère partout, épie, maugrée sur sa figurine qu’elle estime difforme, avant de la jeter à travers le décor. On apprendra, à la toute fin, les drames qui l’ont rendue si dure.

Et puis, il y a le père, Mohamed, qui construit et peaufine la maquette, taiseux sauf quand il s’agit d’évoquer ses souvenirs de football, lorsqu’il rêvait d’un avenir professionnel. Le terrain sur lequel il jouait est lui aussi dépositaire d’un terrible récit. Il y a l’oncle Saïd, qui se tient en retrait. Comme l’oncle Abdallah, qui finira par craquer et raconter, à travers les larmes, le traumatisme vécu dont il ne s’est jamais remis.

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