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Aux Victoires de la musique classique, une « arme pour rester connecté à l'humanité » - Le Monde

Des rayons de lumière aux couleurs du drapeau de l’Ukraine lors de la 29e cérémonie des Victoires De La Musique Classiqueau Grand Théâtre de Provence, à Aix-en-Provence, le 9 mars 2022.

Animée par le ravi Stéphane Bern et le facétieux Clément Rochefort, la cérémonie des 29es Victoires de la musique classique, retransmise en direct, mercredi 9 mars, sur France 3 et sur France Musique depuis le Grand Théâtre de Provence, à Aix-en-Provence, s’est ouverte sur un extrait de la célèbre Symphonie du Nouveau Monde d’Anton Dvorak. Par son expression conquérante et son énergie communicative, l’œuvre choisie avait sans doute valeur de symbole. Toutefois, un an après avoir timidement célébré le retour à l’activité des concerts, la manifestation n’a pas cherché à pavoiser.

D’ailleurs, le moment le plus fort de la soirée n’est pas venu d’une prestation musicale mais d’une prise de parole, en milieu de programme, de la cheffe d’orchestre Ariane Matiakh qui, après avoir remis un trophée, a lu un texte dont chaque mot était pesé. Confiant qu’elle avait un grand-père ukrainien, la musicienne française a estimé que la musique était « une arme importante pour rester connecter à l’humanité ». « C’est pourquoi, a-t-elle ajouté, le rejet soudain et global des artistes et du répertoire russes est une erreur. »

Des applaudissements nourris ont accueilli cette déclaration appelant à ne pas faire payer aux artistes « le prix des dérives du gouvernement de la Russie ». Ariane Matiakh a affiché une semblable détermination pendant plus de deux heures, cette fois, à la tête de l’Orchestre philharmonique de Nice, visiblement conquis par sa direction précise et engageante.

« Verdissime » Ludovic Tézier

A l’honneur par son statut d’hôte des Victoires, le Grand Théâtre de Provence le fut aussi, indirectement, par l’attribution à la compositrice finlandaise Kaija Saariaho de la récompense suprême pour son opéra, Innocence, créé dans cette même salle en juillet. La palme de compositeur de l’année revient ainsi pour la troisième fois de suite à une femme (après la novice Camille Pépin en 2020 et la doyenne Betsy Jolas en 2021). Pour la Révélation chef d’orchestre, une nouvelle catégorie, c’est un maestro, Pierre Dumoussaud, qui a damé le pion à deux « maestras », Stéphanie Childress et Chloé Dufresne. Dans la catégorie Artiste lyrique, le « verdissime » baryton Ludovic Tézier en a fait de même face à deux sopranos on ne peut plus opposées, l’angélique Sabine Devieilhe et la diablesse Barbara Hannigan. Chez les jeunes, la violoniste Manon Galy (née en 1996) a été distinguée dans la catégorie Révélation soliste instrumental et la mezzo-soprano Eugénie Joneau (née en 1995), au titre de Révélation artiste lyrique.

Enfin, deux récompenses ont revêtu un caractère inédit. D’une part, celle estampillée « Soliste instrumental », qui a été attribuée conjointement à deux violoncellistes : l’élégante Emmanuelle Bertrand et l’éruptive Sol Gabetta. D’autre part, celle du meilleur enregistrement, qui est allée au disque Cris, publié par Radio France, alors que la même œuvre avait déjà valu, en 2017, une victoire à son compositeur, Thierry Escaich. Des doublons, compréhensibles dans le premier cas, moins dans le second.

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